Pierre Letellier
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L’art animalier, l’art tout court est en deuil Pierre Letellier vient de nous quitter en ce dernier jour du siècle.
Il y a juste trois semaines, à l’occasion du field de Callac, j'avais eu le plaisir de le retrouver, accompagné de son épouse Maryse, bécassière comme il en existe peu.
Comme chaque année depuis bientôt une décennie, nous devions nous retrouver pour fêter ensemble chez des amis communs, les Docteurs Christiane et Jacques Bourdon, le "cul de l’an" et l’avènement du nouveau siècle et du nouveau millénaire.
Cette année, les Letellier nous avaient prévenus qu’il ne leur serait pas possible de se joindre à nous, ce qui nous avait causé une vive déception. Mais, alors que nous nous trouvions réunis avec quelques amis habituels dans la magnifique propriété des amis Bourdon, un coup de fil assez énigmatique de Maryse nous prévint simplement qu’elle avait de graves soucis mais qu'elle pensait bien à nous tous.., et elle raccrocha assez précipitamment, annonçant qu’elle rappellerait lendemain.
Pour ne pas gâcher notre amicale réunion, avec sa délicatesse habituelle, Maryse nous cachait que, tout simplement, elle passait cette dernière nuit de l'année à veiller son mari décédé le matin même.
 
le repos
 
La nouvelle, annoncée le lendemain matin, nous plongea tous dans une grande tristesse que comprendront ceux qui ont eu l’occasion d’approcher ce grand artiste et de partager quelques moments de sa vie. Avec Colette, j’ai eu le bonheur d’être de ceux-là.
Pierre : c’était avant tout l’artiste, mais aussi le philosophé, l’ami fidèle, le tireur d’élite, le gastronome visé, l’amoureux de la nature qu’il savait si bien peindre. Avec quel plaisir nous nous retrouvions chaque année dans les Côtes d’Armor, sur sa propriété de "Bellechasse" où, en compagnie de Maryse je passais une toujours agréable journée de chasse pendant que Pierre, qui avait quelques difficultés à marcher nous attendait dans la "cabane" en surveillant le "fricot" entre deux coups de pinceaux à une toile que je découvrais toujours avec un même cri d’admiration !
 
chasse à courre
 
Et, devant quelques "bulles" montant dans nos flûtes, nous devisions gaiement et entonnions ensemble quelqu'air d’opéra dont il était très friand… à moins que ce ne fussent quelques chansons plus ou moins paillardes qui incitaient Maryse à hocher la tête en signe d'amicale réprobation.
Comment oublier aussi la participation de Pierre à plusieurs Game-Fairs à Chambord, à l'occasion desquels il présentait ses œuvres toujours très admirées ?
Chambord était un tout petit lieu de ses expositions, lui qui avait exposé à Paris où il avait une galerie, à la maison de la Chasse, au Japon, aux Etats-Unis, en Suisse et dans toute l'Europe.
Quel talent ! à celui de peintre s'ajoutait celui d'écrivain. C'est un réel plaisir de lire les textes de son Bestiaire, de son Flâneries en Manche, de ses Flâneries en Calvados, de ses Flâneries Caennaises, écrits en une calligraphie plaisante équilibrant au mieux toutes ses remarquables illustrations. Pierre, tu laisse tous tes amis dans un grand désarroi et une grande tristesse.
Le 5 janvier dans la petite église de Mondeville, nous étions nombreux, contenant difficilement notre émotion et notre chagrin, à te rendre un dernier et amical hommage et à dire à Maryse la part que nous prenions à sa peine.
A dieu, Pierre !
 
Noël Lefeuvre (La Mordorée, n°217, premier trimestre 2001)
 
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