Pierre Letellier
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Retour en Normandie
Letellier pose ses toiles à Caen et Saint-Lô
 
Après plus de vingt ans passés au bord du lac Léman, Pierre Letellier reprend ses quartiers à
Caen. La région déroule son tapis rouge devant le peintre à succès qui se définit lui-même
comme un "honnête homme... du 18e siècle" ! L’exposition organisée par le conseil régional à l’Abbaye-aux-Dames, jusqu’au 15 octobre, sera suivie d’une autre à Saint-Lô, à partir du 24 novembre.
 
Il n’aime pas le vert. Il a fui la France parce que le désordre le dérangeait trop. Il a aimé la Suisse, l'eau de ses lacs, le regard paisible des vaches. Il a voyagé partout à travers le monde. Il parle partout de Maryse, sa femme, qu'il a rencontrée quarante-sept ans plus tôt. Il collectionne les succès, les photos d'animaux, les tableaux mais aussi les papillons et les carabes, anciens papillons sans ailes et sans grâce… désintéressé, il a légué sa collection comprenant 1200 espèces sur les 2000 existantes à un musée. "De toute façon, je n'ai pas d'héritier."
Naturaliste ? Peintre ? Il est d'un autre temps et regrette que dans nos campagnes, les tracteurs aient remplacé les cobs : "Notez bien qu'un tracteur qui rouille, ça peut commencer à être "bat". Mais je préfère tout de même les chevaux cobs, pour leur solidité, leur douceur…"
 
le bouquet
Sous le couteau
Quand il peint des paysages, Pierre Letellier choisit la fin de l'automne, "La vraie saison, celle qui dévoile la vérité de la nature". Les ciels sont gris et blancs. Des ciels de dimanche soir. Epais, mélancoliques, qui se reflètent dans une pièce d'eau immobile, impassible. Ses coups de pinceaux descendent en verticale, comme une pluie drue, sur des arbres sans grâce, déplumés, jetant des branches maigres sur des ciels froids.
Quand il peint des fleurs, il les veut vivantes, enchevêtrées dans des bouquets désordonnés, aux tiges cassées, aux boutons fanés s'il le faut. Pourvu que cela soit vrai.
Quand il s'attaque aux natures mortes (il n'aime pas le terme !), tout doit vivre encore : le canard à moitié plumé, la truite embrochée sont encore brillant et souples, les aulx et oignons ne demandent qu'à être posés au fond de la main, à faire craquer leurs peaux sous le couteau pour devenir pleurs, odeurs et goûts….
 
Brio
Quand il peint des nus ou des danseuses, on se sait toujours en hiver : les murs qui servent de fond sont gris. Parfois blancs, tachés de bruns. Les peaux absorbent toute la couleur et la peinture. Le temps a suspendu son envol sur un geste gracieux et mystérieux. Et la peinture qui peut d'emblée paraître criarde, trop brusque, révèle un instant privilégié, d'une surprenante intimité.
Quand il peint les animaux, Pierre Letellier épate la galerie. Sa douce vache dans un pré normand, peinte à l'aquarelle, à qui il fait dire "Vous en feriez, vous, du lait avec de l'herbe ?" ferait fondre une armée d'irascibles barbares ! Observateur patenté, au carnet de croquis ou à l'appareil photo, il vous croque un lièvres en fuite avec le même brio qu'un canard en envol.
Quand il peint la Manche, il court les bourgs et les clochers, les plages pour ses pêcheurs à pied, les marchés et les foires pour ses paysans normands. Portbail, Pont-sous-Avranches, Bricquebec, Auvers, Jobourg, Agon ont eu sa visite… Les ports aussi. Mais là son amour de l'eau et de l'hiver, son dégoût du vert et du gai se conjuguent à merveille pour nous donner des scènes de bateaux partant à la pêche par grosse mer plus vraies que nature. Sincèrement, on en sortirait avec le mal de mer !
 
Virginie de Bonfils (La presse de la manche), 1995.
 
perdrix rouge
 
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